" Relier les hommes de tout le village grâce à la nature "
Francis Manent, le maire de Saint-André (66), a construit au fil des années, avec le soutien du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, un véritable réseau de circulation douce dont le point central, le parc de la Miloussa, sert de poumon vert à la commune.
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La population de Saint-André a explosé dans les années 1960, passant de 800 habitants en 1969 à 1 800 en 1977. Des lotissements ont été construits en périphérie du village, qui s'est ainsi développé de manière dispersée pendant une vingtaine d'années, de part et d'autre d'une route départementale. « Nous avions deux populations distinctes, raconte le maire, Francis Manent, les villageois et les nouveaux arrivants. Comment relier les habitants des lotissements extérieurs à ceux du centre-bourg ? »
Le projet politique était de maintenir un village vivant. Mais le maire ne souhaitait pas aménager des micro-espaces verts ne servant à personne dans les lotissements. Il a préféré investir dans des espaces servant à tout le monde. Dès 1983, il a entamé une série de projets pour recréer une connexion entre village et lotissement. La municipalité a acheté des terrains situés entre les deux zones, auxquels s'est ajoutée une parcelle léguée par un particulier. Elle a choisi de construire l'école dans le centre du village, comme un « premier lien » entre les hommes. « Il fallait que les enfants puissent aller à pied à l'école en toute sécurité », explique l'élu. Pour l'aider dans sa réflexion, Francis Manent a fait appel au Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) des Pyrénées-Orientales (Perpignan). « Nous avons un rôle de "facilitateur", explique Stéphane Vallière, directeur du CAUE 66. Nous organisons le conseil en amont et mettons en contact avec les bons professionnels au bon moment. Nous n'accomplissons pas les missions d'un bureau d'études ou d'une maîtrise d'oeuvre. » Outre les CAUE, les villages peuvent compter sur le soutien d'autres structures pour les accompagner (voir encadré) tout au long de leur projet.
C'est ainsi que le parc de la Miloussa a été utilisé pour créer des chemins de liaison entre l'école, le lotissement et le terrain de sport. Et que la municipalité a entamé un projet d'urbanisme sur le long terme, intégrant une trame verte avant l'heure...
Le parc de la Miloussa, véritable poumon vert, s'est déployé progressivement au début des années 1980 sur d'anciens jardins, de part et d'autre de la rivière éponyme, avec la volonté d'en faciliter la traversée. Une passerelle permet de franchir le cours d'eau, et un passage sous la route d'éviter la départementale, très fréquentée. Le parc valorise le paysage rural déjà en place. La végétation existante a été conservée, comme l'ancien verger d'amandiers. La partie la plus ancienne du parc, une prairie parsemée d'arbres isolés, est sillonnée de chemins. Arbres et arbustes sont omniprésents. « Le parc comporte une plaine de jeux, un jardin d'enfants, un théâtre de verdure... mais surtout des chemins ! » Grâce à cet espace, très fréquenté, les parents peuvent amener leurs enfants à pied à l'école, et aussi aller faire leurs courses au village.
Malgré tout, ou par un effet pervers de cette facilité de liaison entre la périphérie et le centre, ce dernier continuait de se vider. Pour redonner vie au bourg, l'équipe municipale a donc décidé d'y installer la mairie, en réhabilitant de vieilles caves près de l'église romane. « Mais pas seulement : une salle communale accueillant les associations et les fêtes, un petit musée (la Maison de l'art roman), qui sert aussi de point d'information tourisme, s'y sont ajoutés. » Le maintien des petits commerces a été encouragé. La mairie a tenu à conserver au maximum les arbres en place dans son aménagement. Elle peut s'enorgueillir de très beaux sujets aujourd'hui, en particulier le bosquet de l'église. Un espace arboré a été aménagé pour le stationnement, offrant de belles ambiances ombragées.
Forte de cette première expérience de projet, la commune a reproduit le même schéma de valorisation sur l'autre vallée auprès de laquelle s'est implanté un collège : achat de terrain pour relier l'établissement avec les lotissements, projets d'aménagement à proximité d'un nouveau stade, d'un Point jeunes, d'une médiathèque.... « Chaque fois que nous entamons un projet, nous organisons une réunion publique et nous communiquons par l'intermédiaire du bulletin municipal, précise Francis Manent. Il est essentiel que les gens s'approprient les projets, sinon, ça ne marche pas. » La municipalité cherche à compléter la trame de déplacements doux le long des espaces verts sur l'ensemble du village, mais manque de personnel pour leur entretien. Afin d'y remédier, elle invite les habitants à participer, par exemple en arrosant les vasques fleuries durant l'été.
Pour garder une cohérence à l'ensemble de ces aménagements, il est important d'avoir en tête un schéma directeur sur dix à vingt ans. « Si nous rajoutons du mobilier - bancs, poubelles... -, nous allons utiliser tel type de produits... pour que dans dix ans, nous ne nous retrouvions pas avec des choses complètement hétéroclites », conseille Marie Guilpain, paysagiste-concepteur, présidente de la FFP-LR (Fédération française du paysage - Languedoc-Roussillon), lors d'une journée technique organisée par le CAUE 66 à Saint-André en octobre 2015. « Un schéma directeur demande à être réactualisé. Cela permet de repérer les choses ne correspondant plus à ce dont nous avons envie, et d'envisager avec les habitants l'évolution sur la décennie qui arrive. » Claire Atger, spécialiste de l'architecture du système racinaire des arbres, complète : « Prévoir un plan d'aménagement et de gestion permet aussi de gérer la végétation. » Une base de données sur ordinateur aide à planifier l'entretien des arbres et un diagnostic régulier, et à préparer leur succession en anticipant les replantations.
Valérie Vidril
La population s'est approprié cet espace vert aux ambiances agréables, facile à rejoindre et à traverser. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Le parc de la Miloussa s'est étendu au fil des années, mais la logique de connexion a perduré. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Créé au début des années 1980 à la place d'anciens jardins, le parc Miloussa est aujourd'hui un véritable poumon vert. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
La place Arago, autrefois place principale de la commune, a perdu son rôle de lieu de regroupement. L'encombrement du sol et de fortes tailles ont largement affaibli les deux platanes. La mairie souhaite la transformer pour qu'elle retrouve sa convivialité. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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